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80ème anniversaire de la victoire de Bir-Hakeim, Libye, 27 mai-11 juin 1942 – Episodes 7 et 8/10

Autour du camp retranché, Rommel manœuvre.

Par M. Guy Crissin

Dans la nuit du 25 au 26, à Bir-Hakeim, Koenig aidé de Masson fait le tour des dispositions prises pour tenir fermement la place, les indispensables sont passés en revue : la ration d’eau, deux litres un quart par homme ; la nourriture, rations « hard-scale » abondantes ; les munitions toutes armes, suffisantes ; les produits de soins pour blessures, approvisionnées par le médecin commandant Vignes. Les quantités devraient faire tenir au moins 8 jours ; le moral de la division est bon, la solidarité s’est déjà exprimée à maintes reprises depuis l’arrivée au fort et la confiance en la réussite de la mission se lit dans le regard des 3826 hommes (dont 103 militaires anglais) ; c’est une certitude tout le monde tiendra bon.

Koenig surveille la manoeuvre

Le 26 en fin de matinée, le capitaine Hautefeuille intercepte un message de « Tomcol », indicatif d’une Jock colonne formée en partie par un détachement du BM2 qui signale en langage « omoplate » une intense activité ennemie. Le branle-bas de combat est sonné.

Quelques heures plus tard, en provenance du point Signali-nord, le commandant Amiel indique la présence d’une quinzaine de chars en route dans sa direction. Tomcol amorce son repli, la patrouille est à une cinquantaine de kilomètres du fort. Dans la foulée, plusieurs observateurs repassent un message d’alerte identique : les Allemands avancent avec précaution mais en force. Koenig ordonne de fermer les passages d’accès ouest, à l’aide de mines. C’est une activité technique devenue routinière avec de l’entraînement et dévolue aux défenseurs depuis le départ définitif de la 1e compagnie de Sapeurs-démineurs vers Bir Bou Mafez, travaux d’organisation achevés.

Sur l’arrière de la ligne Gazala, à une centaine de kilomètres, le QG britannique et le terrain d’aviation à Gambut sont pris à parti par les chasseurs de la 2e flotte aérienne de Kesselring qui ont été momentanément distraits du pilonnage de l’Ile de Malte pour venir préparer l’axe principal d’assaut de Rommel. Enfin c’est ce que les Allemands veulent faire croire !

Les opérationnels du plan Venezia ont planifié, l’encerclement de la ligne de défense, la destruction et la prise de Tobrouk ; le groupe Crüwell-Navarini, à 5 divisions, est chargé de tromper Ritchie entre Gazala et Got al Oualeb, par une attaque frontale sur 60 Km, pour masquer le véritable point d’enfoncement. Dès le début de l’après-midi, les XXIe et Xe corps d’infanterie italiens se mettent en mouvement et s’ingénient – pour tromper – à soulever d’énormes nuages de poussière à l’aide de souffleries montées sur camions pour faire croire à un mouvement de masse, puissant et étendu.

La mise en scène dure jusqu’au coucher du soleil, le temps d’attirer là les réserves britanniques disponibles et de faire que les vraies divisions se positionnent pour donner le véritable assaut.

Nuit tombée, à 20h30, Rommel donne le signal de l’attaque générale, 10000 véhicules chenillés pour la plupart, s’ébranlent en direction de Bir-Hakeim que marquent à l’obus éclairant les Heinkel et Messerschmitt du général von Waldau.

Le plan de Rommel

Lorsque la DAK part à l’assaut d’une position, elle le fait selon un scénario éprouvé, le « schwerpunkt » (vers le point d’effort principal) et en cas d’attaque de chars ennemis déclenche la « Flächemarsch » (risposte par retournement sur les arrières tandis que les pièces anti-chars se positionnent). Les forces blindées d’assaut forment 3 rangs de 7 Panzer espacés de 45 m. C’est  la méthode d’attaque dite « de la tortue romaine » ; Rommel qui commande toujours sur l’avant y excelle. L’attaque de nuit n’est pas fréquente, cette période d’éclairage moindre est réservée au repos, à la préparation du dispositif semi-chenillés de reconnaissance et au ravitaillement des Panzer.

Le plan Venezia fixe l’arrivée impérative des premiers éléments de la DAK à El-Adem, le 27 à 08h30 ; le temps de s’emparer du terrain d’aviation, de conforter l’encerclement des Britanniques et de se mettre en place pour préparer l’assaut de Tobrouk, situé au nord à 25 Km.

À 03h00 du matin, Rommel arrête sa progression à environ 15 km dans le sud-est de Bir-Hakeim, à la limite des sables. Il n’a rencontré aucune résistance. En attendant l’aube, il fait « biberonner » ses 340 chars par le millier de camions citernes qui ont suivi l’avancée – eux non plus – nullement inquiétés par la RAF.

Rommel guette selon son habitude le point d’aube et le soleil rasant qui va se lever dans son dos et  aveugler momentanément les servants antichars de «ceux d’en face », pour lui, toujours anonymes et sans position précise, à cause de son  service de  renseignement défaillant.

Vers 04h30, les commandants de division ayant rendu compte de leur disponibilité, Rommel ordonne la remontée au nord entre les lignes de défense ennemie : la 90e Légère en flanqueur de droite ; la 15e et 21e division au centre et la division Ariete en flanqueur de gauche, qui laisse les défenses françaises sur sa hanche gauche. Le général Stéfanis doit attaquer Bir Hakeim à revers. 

Au cœur de la forteresse où l’on avait passé une nuit plutôt calme au fond des trous, à l’abri des champs de mines, les téléphonistes font connaître à 05h30, que le contact est perdu avec leurs proches correspondants que sont les PC de la 3e brigade hindoue et de la 7e DB, la division blindée des « Rats du désert ».

Dès 08h15 les chars italiens s’alignent sur la façade Est de la forteresse Bir Hakeim, à hauteur de la porte fermée, minée. L’attaque commence à 09h00 par vagues de 30 à 50 chars M13/40. Les mines et les canons des Français les accueillent. Une heure après, la fougueuse division italienne se retire laissant sur place 32 carcasses de chars et une centaine de prisonniers dont le commandant Prestissimone qui commandait le 132e régiment. Les Français s’en tirent à bon compte avec un seul blessé léger. L’interrogatoire des prisonniers indique que la 3e brigade hindoue, surprise, a été dispersée à l’aube et sérieusement endommagée par la 21e Panzer et l’Ariete.

En cette fin de matinée du 27, Rommel tempête, rien ne va : la division Trieste égarée, est allée se perdre sur la piste Capuzzo, dans les champs de mines de Sidi Mouftah ; la division Ariete n’a pas réussi à faire taire Bir-Hakeim ; ses services de renseignements, la « bonne goutte » et l’équipe de Seebohm n’avaient pas décelé la présence de la 3e brigade semi-chenillée, ni d’ailleurs celle de la 7e DB, pas plus que l’entrée en campagne des nouveaux chars US Grant. Les mastodontes américains ont malmené la 15e et 21e Panzer qui n’ont été sauvées que par la mise en batterie des canons acht-acht. La 90e Légère du général Kleeman est arrivée à  El Adem avec 3 heures de retard sur le plan de progression. Pire, le ravitaillement en carburant n’ayant pas suivi à la vitesse de l’armada, les chars les plus en pointe sont maintenant menacés de pannes sèches. Le général Gause comme il l’avait pressenti, voit que sa manœuvre de retournement va se transformer en étranglement funeste contre la DAK.

Cet échec général décide Rommel à abandonner le plan Venezia et à oublier momentanément Tobrouk ; à l’ouest la ligne de défense britannique ne cède pas aux attaques de la division Trieste, retrouvée à la hauteur de la piste El Abd où quelques-uns de ses sapeurs démineurs réussissent à s’infiltrer dans le champ de mines et tentent d’ouvrir une entrée sécurisée. Au cours d’une contre-attaque vers la dépression fortifiée de Got al Oualeb, le général Crüwell est fait prisonnier. Au sud, la 1e BFL fermement retranchée, riposte à toutes les attaques ; face à la menace allemande, l’échelon B quitte Bir Bou Mafés et rejoint à Bardia les éléments de la 2e BFL.

Le 29, l’attaque allemande est au point mort, les Italiens ont échoué partout. Rommel soucieux de ravitailler la DAK, tenant compte des échecs de conquête de la voie Balbia et de la sécurisation des champs de mines adverses, fait remonter du sud, à marche forcée, ses camions de ravitaillement, en allant lui-même les chercher dans un contexte d’embrasement général sans ligne de front palpable où les méprises de bombardement et de « straffing » sur les propres troupes font des dégâts irrémédiables des deux côtés. L’ouverture de Rommel a été brillante mais le premier acte est raté.

Le 30, le regroupement des chars de la DAK protégé par  les acht-acht est organisé dans le dos de la défense britannique, Rommel veut se ménager une zone de calme relatif favorable au ravitaillement et aux réparations de fortune avant prendre à revers le Chaudron (Got al Oualeb), tenu par la 150e brigade britannique où il compte bien se tailler une route de ravitaillement directe entre l’Est et l’ouest.

Le manque de réactivité de Ritchie face à ce nouveau plan et à la mise en batterie des acht-acht interdit aux vagues d’assaut de blindés, le franchissement du mur d’acier allemand.

Juste avant la mise en place des canons allemands, Auchinleck a perdu l’occasion de détruire la DAK acculée et encerclée, le dos aux champs de mines, privée d’eau, sans vivres, sans munitions et sans essence. 

Dispositif d’assaut allemand
Le téléphone (français) point à point